LE MARATHON CONTINUE: L'HISTOIRE D'ÉRIC KIBI

July 22, 2020

Écrit par Eric Kibi, joueur des BlackJacks d'Ottawa qui aspire à devenir journaliste.

Le marathon continue est l'une de mes citations préférées, qui me motive depuis de nombreuses années. La citation elle-même vient de l'un de mes rappeurs préférés de tous les temps, Nipsey Hussle. Malheureusement, Nipsey a été tué le 31 mars 2019, je me souviens encore de la date et de l'endroit exact où j'étais ce jour-là. Nipsey fait également partie des quelque 60 tatouages que j’arbore sur mon corps. Cela démontre à quel point sa musique était importante pour moi depuis que j’ai commencé à l'écouter en 2007.

Présentation d'avant-match : le début

Je suis né à Québec, en 1990, de fiers immigrants congolais, Nlombi Kibi et Jeanne Onokoko. Mes parents proviennent de régions très éloignées et différentes du Congo, ils parlent à peine la même langue, eux dont le pays d’origine compte 11 dialectes distincts. La République démocratique du Congo compte 85 millions d'habitants et est le 11e plus grand pays du monde. Depuis des décennies, le Congo est déchiré par la guerre. Aussi récemment qu'en 1960, le Congo était toujours colonisé par la Belgique. En 2020, nous célébrons 60 ans d'indépendance.

Mes parents viennent tous les deux de familles très strictes qui mettaient énormément d’emphase sur les études malgré toutes les turbulences. Le rêve congolais, pour la plupart des jeunes Africains, a toujours été d'échapper à la pauvreté et de trouver une meilleure qualité de vie en Europe ou en Amérique du Nord. À l'âge de 19 ans, mon père, Nlombi, était le deuxième élève le mieux coté de tout le Congo au niveau des résultats scolaires. Il désirait devenir ingénieur. Ma mère, Jeanne, se classait elle aussi dans le top 10 de tout le Congo, au neuvième rang. Elle était la seule femme dans le top 20. En tant qu'étudiants exceptionnels, mes parents, ainsi que huit autres étudiants, ont mérité une bourse pour aller étudier à l'Université Laval à Québec à l'automne 1981.

En août 1990, le marathon a commencé. Je suis né à Québec au sein d’une immense communauté congolaise très unie. J'ai vécu à Québec jusqu'à l'âge de sept ans. La communauté et l'éducation qui m'entouraient jusqu'à cet âge expliquent la fierté que j’éprouve aujourd'hui envers le Congo. J'ai commencé à jouer au basketball à l'âge de six ans. À l'époque, je connaissais plus le basketball que l'anglais. À Québec, le basketball était un sport peu pratiqué et n'était pas très populaire. Dans notre communauté congolaise, la plupart de nos pères ont développé une grande passion pour le hockey, en particulier pour la rivalité entre les Canadiens de Montréal et les Nordiques de Québec. Certains de mes premiers souvenirs sont ceux où j’accompagnais mon père à des rassemblements où 50 à 60 de mes oncles regardaient les matchs et discutaient de la rivalité intense entre ces équipes de hockey. Il n'y avait presque pas de place pour le basketball.

Première demie : 

J'ai déménagé à Ottawa à l'âge de sept ans, et c'est là que mon amour pour le basketball a pris son envol. J'ai commencé à jouer au basketball organisé et à développer un esprit de compétition qui me motive encore à ce jour. J'ai commencé à suivre plus attentivement le basketball de la NBA, en particulier Michael Jordan et Dikembe Mutombo, un joueur originaire du Congo. Au fil des ans et à mesure que je m’améliorais, j'ai commencé à croire que mon avenir résidait peut-être dans le basketball. À cette époque, pendant mes années à l’école secondaire, évoluer pour le Congo ne m'avait jamais traversé l'esprit, cela semblait si farfelu. 

Lorsque que je constate les injustices sociales que nous vivons aujourd'hui, je peux dire que la plupart du temps, j'étais le seul Noir au sein de ma communauté, de mon école et de mon équipe. J'aimais toujours autant le Congo, bien sûr, et chaque fois que j'étais à la maison avec ma famille, j'avais l'impression d'être au Congo, que ce soit en raison de notre musique, de notre nourriture ou de notre langue. Le problème était à l'extérieur. La communauté dans laquelle j'ai grandi, que ce soit à Québec ou à Ottawa, n'a jamais été intentionnellement raciste, mais je sais que, de 11 à 16 ans, je n'étais pas aussi à l'aise de parler ouvertement de mon héritage congolais que je le suis aujourd'hui. Certains de mes meilleurs amis étaient blancs, mais ils ne peuvent pas comprendre et ne comprendront jamais à quel point cela peut être difficile. Je me souviens d'avoir apporté de la nourriture traditionnelle congolaise que mes parents avaient préparée pour le diner, comme du foufou ou du poundu, et d'avoir été taquiné. Ces moments m'ont aidé à réaliser le genre de difficultés auxquelles mes parents ont probablement dû faire face lorsqu’ils se sont retrouvés seuls au Canada à l'âge de 20 ans, au sein d’une toute nouvelle culture. Cela m'a également préparé à la suite de mes aventures professionnelles. Ne vous méprenez pas, le Canada est le meilleur cadeau que mes parents auraient pu me faire et, chaque jour, je suis reconnaissant d'être né dans ce pays, mais ce sont des réalités auxquelles les immigrants sont confrontés dans le monde entier.

À l'âge de 15 ans, après près de 10 ans à Ottawa, je rêvais désormais de devenir un joueur de basketball professionnel, ce qui à l'époque semblait impossible, surtout pour quelqu’un d'Ottawa, une ville peu connue dans le monde du basketball. J'ai alors proposé un plan fou qui a été refusé par ma mère au moins trois fois. Je lui ai demandé de me permettre d’aller jouer aux États-Unis afin de gagner en visibilité grâce à une bourse d’études de la division 1 de la NCAA, et elle pensait que j'étais fou. Finalement, elle a cédé et a décidé de me laisser partir, et la suite fait maintenant de l'histoire. J'ai obtenu une bourse d'études et j’ai atteint bon nombre de mes objectifs personnels, qui comprenaient, d'abord et avant tout, l’obtention d'un diplôme, ainsi que participer au March Madness et, finalement, devenir pro.

Deuxième demie :

 Quelques années plus tard, en 2016, je disputais maintenant ma cinquième saison au niveau professionnel, celle-là au Danemark. C’était déjà le quatrième pays dans lequel j’évoluais depuis le début de ma carrière et je connaissais ma meilleure saison. Mes performances ont attiré l'attention de l'équipe nationale du Congo, qui a découvert que j'étais d’origine congolaise. Ils m'ont contacté et, à partir de là, nous avons entamé les démarches pour obtenir un passeport congolais afin que je rejoigne l'équipe nationale pour la première fois en juin 2017, un processus compliqué qui a pris près d'un an.

En juin 2017, je suis arrivé à Kinshasa, au Congo, pour la première fois. Comme ce fut le cas pour certaines décisions importantes au cours des années précédentes, ma mère s'est fortement opposée à ce que je joue pour le Congo, au point que le directeur général s'est envolé pour Montréal afin discuter avec elle, ce qui l'a finalement rassurée à propos de l'ensemble du processus. Une fois à Kinshasa, j'ai finalement compris pourquoi je ne me sentais pas à l'aise, à l'âge de 11 ans, de parler de mon héritage. La raison est que le Canada est l'endroit où je suis né, mais le Congo est dans mon sang. Une fois arrivé au Congo, il était clair que j'étais enfin chez moi après 26 ans. J'ai rencontré des oncles, des tantes et des cousins que je ne pensais jamais rencontrer. J'ai vu où mon père est allé à l'université, marchant six miles chaque jour pour aller s'asseoir sur un banc sale inconfortable simplement pour étudier et nous donner une chance, à lui et moi, d’avoir une meilleure vie. Rentrer chez moi au Congo m'a donné le sentiment que nous avions l'obligation, en tant qu'équipe nationale congolaise, de faire quelque chose de spécial pour notre pays et de devenir des ambassadeurs. 

Ce que le Congo m'a donné est bien plus que d'atteindre la ronde quart de finale de l’AfroBasket en 2017 pour la première fois depuis 1960, remporter le titre de l’AfroBasket en 2019 ou même rencontrer le président et recevoir des Range Rovers personnalisés ou des bonis en argent atteignant les six chiffres. Ce que le Congo m'a donné, c'est la compréhension de tous les sacrifices que mes parents et que de nombreux autres parents immigrés ont dû faire pour leurs enfants afin de nous donner l'occasion d'être cette deuxième génération qui se battra pour le changement dans nos propres pays afin que la génération de nos enfants puisse bénéficier de notre lutte. Ils ont fait ces sacrifices pour qu’il soit normal pour nous d'être des leaders et de lutter pour ce en quoi nous croyons.

Prolongation :

Aujourd’hui, en 2020, je me sens plus que jamais au sommet de mon art sur un terrain de basketball. On dit qu’atteindre la trentaine est le début de la fin, moi je dis qu’atteindre la trentaine n'est que la mi-temps en route vers la destination finale du marathon. Après avoir joué dans 10 pays, je suis de retour à la maison, prêt à représenter à nouveau la ville où j’ai grandi. Je suis prêt à offrir à notre groupe mon expérience, mon leadership et ma ténacité. J'ai connu des expériences de vie difficiles en Irak, en Amérique du Sud, en Serbie et évidemment en Afrique, donc être à la maison est un bonus, une sensation agréable et me donne l’impression que tout cela en vaut la peine. Ces expériences ont fait de moi un homme qui a tellement faim et est si déterminé à réussir que je dors rarement ces jours-ci, vous pouvez demander à mes proches. Je suis prêt à aider les BlackJacks à remporter un championnat et à continuer mon marathon.

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À propos des BlackJacks d’Ottawa
Première franchise d'expansion de la Ligue canadienne élite de basketball (CEBL), les BlackJacks d'Ottawa présenteront le meilleur du basketball et du divertissement dans la capitale nationale. Les opérations de basketball seront dirigées par le Directeur Général, Dave Smart, l'entraîneur universitaire le plus titré de l'histoire du Canada avec un total de 13 titres nationaux à l'Université Carleton. Les BlackJacks seront une équipe profondément enracinée dans la communauté d'Ottawa / Gatineau. L'entraîneur-chef Osvaldo Jeanty, un ancien étudiant-athlète qui a remporté cinq championnats nationaux en tant que joueur pour Dave Smart, réunira un groupe de professionnels prêts à réussir lors de la saison inaugurale. Les BlackJacks disputeront leurs matchs à domicile à la Place TD, débutant en 2021. Pour plus d'informations, visitez www.theblackjacks.ca.

À propos de la ligue canadienne élite de basketball
La Ligue canadienne élite de basketball (CEBL) est une ligue domestique de basketball comptant sept équipes à travers le Canada qui offre du basketball professionnel de calibre international dans un environnement propice pour les partisans. La saison inaugurale en 2019 a vu plus de 100 joueurs canadiens et étrangers évoluer dans le circuit qui a culminé avec le premier championnat remporté par les Rattlers de la Saskatchewan. Les joueurs de la CEBL proviennent de clubs de la G-League de la NBA et des meilleurs programmes de la NCAA, du programme national canadien, du circuit U SPORTS et autres ligues de division 1 de la FIBA. La CEBL est la ligue partenaire de première division de Canada Basketball.

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