L'importance de bâtir des relations authentiques : L'expérience de Dubé-Brais en tant qu'entraîneur en Chine
Max Bakony

Avant même d'arriver en Chine pour diriger la nouvelle équipe de développement des Long Lions de Guangzhou, l'entraîneur Charles Dubé-Brais impressionnait déjà.
« Nous avons parlé au début avant même que la saison ne commence, au téléphone et par messagerie via WhatsApp », a déclaré Anthony Tucker, qui a remporté le titre de « joueur de l'année » sous la direction de Dubé-Brais cette saison-là. « Souvent, vous ne rencontrez pas votre entraîneur avant de vous rencontrer en personne lorsque vous arrivez là-bas. Établir ce lien instantané a beaucoup aidé à cultiver la relation. »
Avec le budget le plus modeste de l’ASEAN Basketball League (ABL) et un alignement qui n'avait jamais joué ensemble, les attentes envers le Chongson KungFu Basketball Club étaient naturellement peu élevées. Étant basée en Chine, l’équipe était également éclipsée par la Chinese Basketball Association (CBA), plus populaire, et ses équipes locales, les Long Lions, les Aviators de Shenzhen et les Southern Tigers de Guangdong.
Le club passait sous le radar dans une province de 115 millions de personnes qui ne savaient pas qu'il existait, mais il allait demeurer invaincu à domicile et remporter le titre de la saison régulière grâce à une fiche de 15-5.
La plupart des joueurs de Dubé-Brais étaient ceux que les Long Lions avaient écartés et l'une des vedettes de Chongson, Justin Howard, qui allait être nommé « centre de l'année », avait été coupé par les Slingers de Singapour, qui avaient opté pour un joueur plus jeune.
Il n'a pas fallu longtemps à l'équipe pour créer des liens malgré les barrières évidentes liées au contexte, à la culture, à la langue, au soutien et à l'investissement. La plupart du temps, les membres de l’équipe devaient s’en remettre à des joueurs qui parlaient à la fois anglais et mandarin afin de communiquer entre eux.
À la mi-octobre 2017, l'équipe était réunie en préparation de la saison et Dubé-Brais intégrait des systèmes qu’il avait utilisés lors de ses huit années comme entraîneur-chef des équipes des moins de 21 ans de Nanterre 92 en France et de son passage comme entraîneur invité avec les Spurs de San Antonio dans la Summer League de la NBA en 2015, 2016 et 2017.
Ce sont les systèmes de la NBA qui ont semé des doutes chez Tucker : « J'étais un peu sceptique quant à la façon dont cela allait fonctionner avec ces gars qui n'avaient jamais entendu certains de ces termes auparavant et qui ne comprenaient pas vraiment le concept de ce que nous faisions », dit Tucker.
Mais au cours de ces trois semaines de matchs préparatoires, le Chongson KungFu Basketball Club, Dubé-Brais et Tucker ont réalisé leur potentiel. Sans leur alignement complet, ils s’apprêtaient à affronter coup sur coup leur équipe mère de la CBA, les Long Lions de Guangzhou, et les champions en titre de l'ABL, les Eastern Long Lions de Hong Kong.
Pour Dubé-Brais, ces matchs devaient être un indicateur de leurs progrès, sans plus, car les trois équipes, Chongson, Guangzhou et Hong Kong, étaient toutes la propriété de Zhong Naixiong, mais, parmi les trois, Chongson profitait du moins d'investissement et de soutien.
KungFu a remporté les deux affrontements par des pointages de 99-98 et 92-77.
« C'était fou parce que c'était tellement étonnant », dit Tucker. « Mais de voir [les systèmes de la NBA] fonctionner, dès le départ, lors des premiers matchs préparatoires. Il m'a tout de suite converti. J'y croyais. »
Pour Dubé-Brais, connaître son personnel sur et en dehors du terrain est le plus important : « Comme entraîneur, chaque occasion commence par tisser des liens et montrer que les joueurs vous tiennent à cœur, comme essayer de les amener à s'améliorer », explique l'entraîneur. « Et si vous ne gagnez pas cette confiance et ce respect dès le départ, il est assez difficile d'imposer vos règles par la suite et d’espérer des résultats. »
Cette idéologie est devenue claire pour Dubé-Brais lors de son passage avec les Spurs. Il s'est associé à l'organisation après le repêchage de 2013 lorsque l'équipe a sélectionné DeShaun Thomas au deuxième tour pour qu’il se développe avec l'équipe de Nanterre 92 de la ligue Pro A en France.
Un jour, Scott Layden, directeur général adjoint des Spurs à l'époque, s’est présenté de façon impromptue à l'entraînement. Comme Dubé-Brais était le seul membre du personnel qui maîtrisait bien l’anglais, Layden a tissé des liens avec lui pendant qu'ils passaient la journée ensemble.
« Il m'a rappelé le lendemain pour me remercier », raconte Dubé-Brais. « Je ne pensais pas avoir fait quelque chose de spécial avec lui, mais de fil en aiguille, il a dit : ‘Eh bien, j'apprécie ce que tu as fait pour moi, Charles [Dubé-Brais], et nous allons devoir envoyer d'autres dépisteurs pour surveiller les progrès de DeShaun [Thomas] tout au long de l'année et je serai de retour aussi. Nous aimerions rester en contact avec toi et obtenir des informations, si tu es prêt à le faire ?’ »
À la fin de l'année, Dubé-Brais connaissait tous les membres du personnel des Spurs qui sont venus voir Thomas à plusieurs reprises. Deux ans plus tard, les Spurs ont demandé à Dubé-Brais de se joindre à eux dans la Summer League de la NBA en tant qu'entraîneur invité.
« C'était fou parce que l'année précédente, j'assistais à leurs matchs [cette ligue d'été], simplement pour les voir jouer », dit Dubé-Brais. Il allait occuper le même poste au cours des trois années suivantes.
En plus d’assimiler une tonne de contenu de basketball, Dubé-Brais dit qu'il a beaucoup appris sur la façon dont l'organisation des Spurs traitait ses membres. L'entraîneur dit qu'il se considérait plus ou moins comme un membre de « moindre importance » lorsqu'il se trouvait dans la même pièce en compagnie d’entraîneurs et de membres du personnel légendaires comme Gregg Popovich, nommé entraîneur de l'année de la NBA à trois reprises, James Borrego, maintenant entraîneur-chef des Charlotte Hornets, Ettore Messina, quatre fois champion de l'EuroLeague, ou R.C. Buford, dirigeant de l'année au sein de la NBA en 2014.
« Chaque fois que j'ai eu des discussions avec des gens comme Popovich, Buford, Borrego, Messina, j'ai toujours eu l'impression que ces entraîneurs valorisaient mon opinion et qu'ils me traitaient comme si j'étais quelqu'un de beaucoup plus important », dit Dubé-Brais. « J'étais un peu surpris de constater que R.C. Buford savait beaucoup de choses sur moi et qu'il se souciait vraiment de moi. C’est l’impression qui ressortait de tout le monde au sein de l'organisation des Spurs. »
Cette leçon est une des choses qu'il a apportée avec lui en Chine. Que ce soit en communiquant avec des joueurs comme Tucker avant même son arrivée, ou en apprenant à connaître tous les joueurs de son équipe malgré les barrières linguistiques, contextuelles et culturelles : « Je sentais que la première chose que je devais faire était de leur montrer ma passion et que je me souciais de qui ils sont. » Il a demandé à tous ses joueurs de quelle ville ils venaient, s’est informé de leurs vacances, leurs différentes coutumes, leurs plats préférés, et s’est rendu aussi accessible en dehors du terrain que sur le terrain.
« L'essentiel était la confiance qu'il avait en nous, et il m'a fait confiance pour pratiquer mon style de jeu, ce qui, je pense, a également aidé ces gars-là », a déclaré Tucker. « Il m'a donné le feu vert immédiatement et m'a dit qu'il ne tenterait jamais de me retenir. Pour moi, cela s’est traduit par une saison [au terme de laquelle j’ai été nommé joueur de l'année]. Je dirais qu'il a fait la même chose pour tout le monde… Il s'attendait simplement à ce que les gars fassent ce qu’ils faisaient le mieux, et cela s'est traduit par des victoires. »
Au cours des six derniers matchs de la saison, le Chongson KungFu Basketball Club est demeuré invaincu en battant trois fois les champions en titre et deuxième tête de série, les Eastern Long Lions de Hong Kong, les futurs champions et troisième tête de série, Alab Philipinas, et l’équipe classée quatrième, Mono Vampire Bangkok.
Cependant, pendant les séries éliminatoires, une blessure a changé la donne.
Avec sept minutes à écouler au deuxième quart du premier match d’une série demi-finale 2 de 3 contre Mono Vampire Bangkok, l’attaquant vedette Caelan Tiongson a subi une commotion cérébrale.
Après avoir mené 35-23, l'avance et la série ont échappé à l’équipe. Elle a perdu le match au compte de 103-94 et le suivant par 83-80.
« Notre équipe dépendait beaucoup de quatre gars », dit Tucker. « Caelan [Tiongson] était un gros morceau pour nous… Il était celui qui fermait la porte en défensive, notre gars qui apportait de l'énergie. C'est un athlète six pieds cinq pouces et 220 livres capable de surveiller des joueurs évoluant à toutes les positions. Sa perte a changé toute la dynamique de notre équipe. »
« Je pense toujours que nous étions la meilleure équipe », dit Dubé-Brais. « Je pense toujours que si ça n’avait pas été une série au meilleur de trois matchs, si ça avait été un 4 de 7, si Caelan [Tiongson] n'avait pas subi de commotion cérébrale. Si, si et si… Mais dans une série 2 de 3, si vous perdez l'un de vos principaux joueurs pendant deux matchs, alors les jeux sont faits. Cela aurait pu arriver à une autre équipe. C’est simplement arrivé à nous. »
En l’absence de Tiongson, Chongson n'avait aucune réponse face à Samuel Deguara, le centre de sept pieds quatre pouces et 310 livres de Bangkok qui a pu s’imposer sous le panier et au rebond. C'est son tir alors que la sirène se faisait entendre lors du deuxième match qui a mis fin à la saison de Chongson.
Même si l'équipe a depuis changé de nom et de ville et que les joueurs se sont dispersés à travers la ligue, Dubé-Brais est le genre d'entraîneur qui garde le contact.
« Je lui parle de temps en temps tout au long de ma saison », dit Tucker. « Nous communiquons l’un avec l’autre pour savoir comment vont les choses, ce qui est sympa parce que j'ai d'anciens entraîneurs qui me contactent, mais généralement, c'est pour me demander une faveur, me demander des informations sur quelqu'un ou quelque chose. Et ce n'est pas le cas avec lui (Charles).»
Dubé-Brais a entamé depuis un mois son parcours en tant que nouvel entraîneur-chef des BlackJacks cette saison. Dans moins d'un mois, ce sera fini. Sachant que la saison serait beaucoup plus courte que ses expériences en Chine et en France, Dubé-Brais a commencé à établir des liens avec ses nouveaux et anciens joueurs, en les rencontrant autour d'un café, un mois et demi avant même que l'entraîneur ne déménage à Ottawa.
Outre sa capacité à créer des liens significatifs avec ses joueurs, Tucker dit que c'est son éthique de travail qui le distingue : « Il y a des soirs en Chine où il restait dans son bureau jusqu'à 2 à 3 h du matin sur Synergy, pour regarder des vidéos, faire des trucs pour nous préparer, et je dirais pour s'améliorer », partage Tucker.
« Lors des entraînements, les rapports de dépistage que nous avions étaient incroyablement détaillés. Il nous disait : ‘Ce gars n'aime pas tenter des lancers de l'aile gauche après avoir dribblé avec sa main gauche’ et des trucs comme ça qui aidaient vraiment. »
Mais l'éthique de travail ne s'arrête pas lorsqu'il quitte son bureau. Sa femme le sait mieux que quiconque : « Nous travaillons beaucoup la nuit », il regarde des vidéos à partir de 20 h jusqu’à 1 ou 2 h du matin, et je travaille en même temps parce que les enfants dorment. »
Ils passent la plupart des nuits ensemble comme ça dans le salon à leurs ordinateurs : « Parfois, nous discutons de la journée : ‘Comment s'est passée ta journée?’ »
Très bien, et la tienne?
‘Oui, super’ », dit-elle en riant tout en mimant la scène en imitant la frappe sur un clavier. Ils se sont rencontrés un peu comme ils passent leurs soirées, en travaillant dans le même bureau à Québec lorsque Dubé-Brais était l'entraîneur-chef des Kebs de Québec il y a près de 14 ans.